Forêt Ivre : l’ivresse maîtrisée d’une gastronomie libre et vivante en Haute-Savoie
À Vailly, face à l’horizon ample du Chablais et au panorama saisissant des Trois Becs, une table singulière s’impose désormais comme l’une des expériences gastronomiques les plus inspirantes de Haute-Savoie. Forêt Ivre, nouvelle table gastronomique du chef étoilé Frédéric Molina, n’est pas une simple ouverture de restaurant. C’est un projet de vie. Un manifeste culinaire. Une invitation à ralentir.

Récompensé depuis 2019 d’une étoile Michelin et depuis 2020 de l’étoile Verte, le chef signe ici une cuisine affranchie des codes, profondément ancrée dans le vivant. À Forêt Ivre, la gastronomie se déploie au fil des 52 saisons, dans un dialogue constant entre la terre, les sommets et le lac.
Une cuisine de l’instinct, patinée par le temps

Chez Frédéric Molina, la cuisine ne se raconte pas, elle se ressent. Elle avance à pas feutrés, guidée par l’instinct et le respect absolu du produit. Végétal, carné ou lacustre, chaque élément trouve sa place dans une partition culinaire contemporaine, libre de toute démonstration technique.

La dégustation s’apparente à une symphonie alpestre. L’acidité, légère et virevoltante, réveille le palais sans jamais l’agresser. La salinité, précise et mesurée, éclaire les saveurs. L’amer noble, en contrepoint, apporte profondeur et longueur. Les bouillons, frappent par leur puissance aromatique et leur intensité maîtrisée, concentrés de nature et de savoir-faire.
Les dressages, intuitifs et presque méditatifs, s’éloignent volontairement de toute architecture figée. Ils laissent transparaître l’origine du produit, son milieu, son histoire. À Forêt Ivre, l’émotion prime toujours sur l’effet.
Une évolution marquante, une maturité assumée

Un an après une première expérience au Moulin de Léré, l’évolution de la cuisine de Frédéric Molina est saisissante. Plus lisible, plus profonde, encore plus engagée. Les saveurs gagnent en intensité sans jamais perdre leur justesse. La nature n’est pas seulement respectée, elle est écoutée, interprétée avec humilité.
Cette maturité culinaire se ressent dans chaque assiette : une gastronomie exigeante mais accessible, enracinée, sincère, qui invite à la contemplation autant qu’à la dégustation.
Forêt Ivre, une maison habitée par l’âme

Forêt Ivre est aussi une maison, au sens le plus noble du terme. Une ancienne ferme métamorphosée avec une rare sensibilité par Irène, dont le travail remarquable donne au lieu une chaleur immédiate. Bois, matières naturelles, teintes apaisantes : tout concourt à créer une atmosphère feutrée, enveloppante, profondément humaine.

Les quatre chambres, ouvertes sur le paysage alpin, prolongent l’expérience gastronomique par une parenthèse de douceur. Puissance des montagnes à l’extérieur, intimité réconfortante à l’intérieur. On s’y sent comme chez soi, accueilli avec sincérité, loin de toute ostentation.
Dormir sur place, c’est accepter de laisser le temps s’étirer, de prolonger l’ivresse promise par le lieu : celle du partage, du silence, du retour à l’essentiel.
Un couple, une énergie, une vision

Derrière Forêt Ivre, il y a surtout un couple uni par la même énergie, la même exigence, la même générosité. Frédéric et Irène Molina insufflent à cette maison une âme rare, faite de passion, de rigueur et de bienveillance. Leur hospitalité est naturelle, jamais calculée, et donne à l’expérience une dimension profondément humaine.
Ouvert d’octobre à mai, puis de juin à septembre, Forêt Ivre évolue au rythme des saisons, fidèle à sa philosophie. Quelle que soit la période, l’expérience laisse une empreinte durable. On ne ressort pas tout à fait le même de cette table étoilée et verte, tant elle touche à l’essentiel.
Forêt Ivre n’est pas un restaurant que l’on coche sur une liste.
C’est un lieu que l’on vit, que l’on ressent, et que l’on emporte avec soi.
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