Marguerite est une nourrice qui a vu son métier largement évoluer au XVIIIe siècle. À de nombreuses reprises, elle a dû faire le voyage jusqu’à Paris pour aller chercher des nourrissons de bourgeois à allaiter. « Au Sein de Paris » écrit par Christian De la Hubaudière, un roman historique passionnant !
Christian De la Hubaudière nous raconte l’histoire de Marguerite, une nourrice du Perche qui a vu son métier évoluer à grande vitesse au XVIIIe siècle. « Il n’était pas bienséant, pour les dames de la ville, d’allaiter elles-mêmes leurs nourrissons, au risque de s’abîmer la poitrine, et pis encore, de s’exclure pendant un long temps de la bonne société. » Alors ces dames de la ville confiaient leurs nouveau-nés à des nourrices à la compagne comme l’était Marguerite. Mais ce trajet, parfois long de 200 à 300 kilomètres, devait ce faire par les nourrices elles-mêmes, qui pouvaient ainsi s’occuper du nourrisson sur le chemin. Elles faisaient le trajet en carrioles guidées par des meneurs assermentés
Car tout ce système, qui était devenu une véritable industrie du nourrisson avec le temps, était très réglementé. Tout était géré de A à Z, jusqu’aux auberges où le meneur avait le droit de s’arrêter : « les auberges où il pouvait s’arrêter devaient être agréées par l’organisme, et comporter, à l’image des bureaux de Paris, des lits propres et individuels avec des berceaux près de chacun. Les policiers du châtelet étaient chargés de visiter ce réseau d’auberges, distribué tout le long des grandes voies quittant Paris ». Dans les villages, c’étaient les curés qui surveillaient et géraient le bon fonctionnement de ce système, car ils étaient ceux en qui les bourgeois avaient confiance. Et à Paris, il y avait des bureaux de nourrices qui faisaient le lien entre les nourrices et les parents qui avaient un bébé à confier.
Un métier rentable à l’époque
C’est tout ce système, qui a vu le jour avec l’explosion des natalités à Paris et l’afflux de nourrissons laissés ou abandonnés à l’hôpital des Enfants Trouvés, que l’auteur nous raconte ici. Ce métier de nourrice, qui devenait de plus en plus recherché et de plus en plus rentable, a permis à de nombreuses femmes d’augmenter très largement le niveau de vie de leur foyer. « C’était pourquoi [le curé] encourageait les femmes de paysans et de journaliers à devenir nourrices, fermant les yeux sur celles qui, contrevenant aux lois, cumulaient deux nourrissons au lieu d’un, à condition qu’elles fussent capables de les allaiter tous les deux. »
Cette entreprise du nourrisson a donc favorisé très largement l’émancipation de ces nourrices qui ramenaient un second salaire dans le foyer. « Cet apport financier, autant que le fait de voyager et de voir du pays, contribuait à changer leur état d’esprit et influait sur la mentalité de leurs époux, dans le sens d’une amélioration de leur vie quotidienne. »
«Au Sein de Paris» est un roman qui est très richement documenté. Les détails historiques montrent les recherches de l’auteur sur un sujet qui lui tient à cœur : l’histoire des enfants et leur mode d’éducation. Mais le tout reste très accessible, car il est romancé. On s’attache à Marguerite et à sa famille, qui nous mènent jusqu’en 1791. Tout au long du récit, on suit de près l’évolution de ce qu’il se passe à Paris, qui a un impact important sur la condition des nourrices. Un roman passionnant !
Au Sein de Paris / Auteur : Christian De la Hubaudière – Editeur : Éditions Lilou – Date de parution : 28/08/2016 – ASIN : B01L7XZ7EW – Nombre de pages : 267 – 19,00€ Broché
Site de l’auteur : www.auseindeparis.fr
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