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Culture / Litterature

Rome est une femme de Michel Chevallier

Les amateurs de polar n’ont qu’à bien se tenir. Dans une ambiance digne du Dahlia noir de James Ellroy, l’auteur anciennement journaliste présente sa première fiction. En résulte un livre : Rome est une femme, dont le résumé classique laisse place à des envolées lyriques et des effusions de l’âme. Ce roman policier historique se déroule en Italie fasciste, en 1935. Le personnage principal se voit en charge d’une enquête concernant la disparition d’une jeune fille, Vantona Vizzi. Pour l’aider à élucider cette sombre affaire, ce garçon à peine sorti de l’adolescence va pouvoir compter sur son chef, le commissaire. Cesare est un homme qui a de la ressource, mais qui fait face également à ses propres pensées parasitaires.

L’Italie est en proie au fascisme de Mussolini, qui a envoyé ses troupes en Éthiopie. Alors que la progression de son allié nazi s’accentue plus que jamais, la figure forte du Reich a été promue chancelier le 30 janvier 1933. Le « Duce » est intransigeant, inhumain, différent de cette masse qui peuple les rues de Rome. Cela se ressent à la manière qu’ont les Romains de le considérer. Le supérieur de Cesare, Gaetano — est un homme intelligent et rusé. Il a bien compris les vices et les mécanismes du fascisme. Un brin philosophe et d’âge mûr, il semble être la figure paternelle idéale pour ce policier, qui a grandi sans père. En outre, l’affaire s’impose, mais ce sont les éléments secondaires, qui vont s’étendre. Dans cette espèce de journal intime revisité, Michel Chevallier exploite au maximum l’inexpérience, la jeunesse et l’enthousiasme de son personnage puceau et obsédé par l’image de la femme. D’ailleurs, c’est au fil de la lecture que le titre du livre dévoile tout son sens. La capitale romaine est riche en paradoxes : là où le passé l’a forgée petit à petit, en gigantesque ville saturée d’arts colorés, voilà qu’un dictateur cherche à la dominer, avec des bâtiments stricts et ternes.

Rome est une femme, un polar d’exeption

Bientôt, toute la vie de Cesare prend la forme de cette fille qu’il a retrouvée étendue sur la plage, sans vie. La police d’Ostia éprouve de grandes difficultés à faire évoluer l’enquête. Un retournement de situation classique, mais efficace va complètement chambouler le château de cartes branlant. Des indices qui commencent à se connecter les uns aux autres, mais qui vont devoir faire place à la terrible réalité… Malgré le travail fourni des deux enquêteurs, quand un suspect est arrêté, celui-ci est aussitôt identifié comme le coupable. Mais alors, que faire ? Chercher la vérité, en dépit du verdict implacable des sous-fifres du « GM » ? S’avouer vaincu, malgré la mort d’un être si jeune et si désirable ?

Michel Chevallier, une plus de qualité

Pour un premier roman, l’auteur Michel Chevallier a parfaitement maîtrisé les codes du suspense. Une plume vive et sans descriptions à rallonge, qui est surtout nourrie par des dialogues authentiques et de nombreuses réflexions qui peuvent choquer. Cette ville si riche et ce pays entièrement sous contrôle sont pourtant le berceau de la chrétienté. Une religion mise à mal par le totalitarisme. Pour appuyer sa domination, le tyran doit user de multiples stratagèmes pour rapprocher ses sujets de son image et devenir un objet de culte… Voilà qui s’annonce difficile, pour une population aussi pieuse ! Une époque troublée et troublante, qui nous plonge dans la psyché d’un homme qui voit dans le martyr des églises l’extase érotique. Que faire face à ces pulsions ? Les réfréner ou les laisser s’exprimer ? L’auteur a décidé de livrer ici un récit intime, où le jeune Cesare prend son lecteur en otage.

Quand Histoire & histoire se mélangent

L’œuvre fictive mêle intelligemment des personnages historiques réels comme Arturo Bocchini, tout en insufflant des références culturelles, parfaitement mesurées. Les écarts entre les classes sociales, le patrimoine italien mis à mal, les lieux et fêtes… À la manière d’une pièce de théâtre où les intrigues se succèdent en couches terrifiantes, Rome est une femme comprend tous les ingrédients d’un roman qui divertit : sexe, mystère, violence. Le tout dans un style sans zèle, brut — au service d’un rythme éclair. Une chose est sûre : le lecteur ne verra pas le temps passer que le livre sera déjà achevé.

ROME EST UNE FEMME – Michel Chevallier – Éditions l’Harmattan – Acheter le livre

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