Une découverte surprenante et même bluffante : Vivaldi ou L’évanescence de l’être. Livre paru en 2013 aux éditions de L’Harmattan, Roger Baillet propose un voyage immersif dans l’Italie de la Renaissance
Grâce à de solides connaissances, il parvient à tisser les formes et les couleurs, avec une précision dantesque. On apprécie : on n’a pas choisi ce bouquin pour lire un contenu dont on se doutait : moi, je l’ai ouvert pour apprendre des choses, et je n’ai pas été déçu. D’abord, j’adore Vivaldi : je l’écoute depuis que je suis petit, je l’ai découvert avec mon grand-père. Mais quand on aime un sujet, on devient sélectif et disons-le : un peu difficile. Les attentes sont grandes, alors c’est parti !
Camille, la protégée d’Antonio Vivaldi
Le narrateur trouve un journal datant du XVIIIe siècle : il retrace le parcours de Camille, recueillie à la Piéta à Venise. Cette institution tenue par des laïcs instruit les jeunes filles et les malades, les reclus. Vous vouliez des strass et des paillettes ? Vous n’en aurez pas ! La musique baroque et classique se traîne la réputation d’être des références pour la haute société, pourtant, Vivaldi est mort dans la pauvreté comme tant d’autres génies, repris par les plus riches. Camille est orpheline : très rapidement, on va lui apprendre l’art de la musique : elle l’a dans la peau, dans l’âme. C’est le violoncelle qui lui parle : elle ne le quittera pas, même après avoir subi une tragédie : drame qui nous choque, nous lecteur, mais qui ne semble pas stopper la soif insatiable de cette héroïne, brave et travailleuse. Archétype de la sainte, on découvre un texte carrément synesthésique. Les teintes ont des odeurs, les sons ont une couleur. Vivaldi est rouge et les personnages ont un tempo. Au cours de son existence, Camille va beaucoup voyager et nous, lecteurs, parvenons à sentir et à nous immiscer dans sa vie.
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La protégée d’Antonio Vivaldi, qu’elle considère comme son père, et la fantastique Rosalba Carriera, sa « petite maman » va nous partager ses plus intimes émois : opéra, concerts, amours et jalousie, on en apprend plus sur les enjeux qui régnaient à l’époque, à Venise. Réputée pour être un nid d’espions, où les gondoliers sont un peu grossiers, une société patriarcale où le mariage et l’argent sont synonymes de vie, de survie. On est particulièrement touché par cette relation qui la lie à Anna, dont la voix traverse les pages de papier. En menace, la situation chaotique de l’Europe en guerre ressemble à un fantôme qui agite ses chaînes. On craint pour ces filles, on tremble pour Vivaldi. Dans cette bulle où l’on connaît déjà l’issue, au-delà du contexte historique, l’ouvrage s’ouvre directement sur la mort du compositeur.
Une lecture agréable
Dans un tel ouvrage, on ne s’attendrait pas à trouver autant d’humour et de légèreté ; on rit, on se moque aux côtés de Camille et d’Anna. On sourit aux propos bienveillants des supérieurs. Le baroque et l’excès sont des synonymes : qu’il s’agisse de l’architecture ou de la musique, on est en présence d’une représentation moderne, mais juste d’un mouvement artistique qui transcende l’âme. Ici, on réalise à quel point la foi religieuse et la musique sont liées. Parfois, la critique est explicite : l’église n’incarne pas toujours l’authenticité. C’est pourquoi on peut être agacé par cette opulence autour de l’exaltation des sentiments, mais elle reste justifiée.
Une expérience sensorielle qui rompt avec la littérature classique historique, bienveillante et douce, que l’on ne regrette pas.
Vivaldi ou l’évanescence de l’être / Auteur : Roger Baillet – Editeur : Harmattan – ISBN : 978-2-343-00985-8 – Nombre de pages : 240 – 21€ Broché / 15,99€ pdf
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