Saviez-vous que Staline, Trotski, Hitler, Zweig et Freud ont réellement vécu dans le même quartier de Vienne, en janvier 1913 ? Et s’ils s’étaient croisés par hasard ? C’est ce qu’a imaginé Erwan Barillot, qui signe avec Les Cinq avant l’Histoire sa première pièce de théâtre. Une œuvre étonnante, à découvrir depuis lundi et jusqu’en septembre au Théâtre du Nord-Ouest à Paris. Entretien.
Avant d’être metteur en scène, Erwan Barillot est avant tout écrivain. Et à tout juste 30 ans, il a à son palmarès deux prix de l’Académie française : le premier pour son roman d’anticipation Moi Oméga et le second pour Destins russes à Paris : Un siècle au Conservatoire Rachmaninoff (1924-2024). Il a accepté d’ouvrir les rideaux de velours à Fresh concernant ce nouveau défi artistique incarné sur les planches.

Erwan Barillot.
Nathan Duprat : Quelle est la genèse de votre première pièce de théâtre, Les Cinq avant l’Histoire ?
Erwan Barillot : Tout part de cette anecdote assez loufoque et méconnue qui m’a distrait, et que je vois comme un signe de l’ironie de l’Histoire. Cinq personnages qui vont marquer le XXe siècle : Staline, Hitler, Trotski, Freud et Zweig ont était voisins. Ils n’ont pas fait à ma connaissance de fête des voisins ensemble [rire], mais les historiens s’accordent à dire qu’ils vivaient à une rue d’intervalle, et qu’ils se sont donc probablement croisés, voire qui sait, interpellés ?
Comment travaille-t-on sur de tels personnages ?
J’ai fait un travail d’historien et d’archiviste, notamment sur la vie viennoise de l’époque. Si vous avez été attentif durant la pièce, vous constaterez que les billets de banques sont d’authentiques, datant de l’empire austro-hongrois. Je me suis d’ailleurs rendu à Vienne où j’ai pu visiter la maison de Freud, de Zweig, la pension de famille d’Hitler et les planques des révolutionnaires, qui n’étaient pas encore soviétiques, mais russes.
Quel genre théâtrale avez-vous choisi pour aborder ce thème et pourquoi ?
Je n’aime pas parlé en terme de « genre ». Pour moi le théâtre, c’est le théâtre ! J’ai voulu que se soit le plus proche possible de la réalité et que l’on ait réellement l’impression de rencontrer Freud, Staline, Hitler, Trotski et Zweig. Pas de pure comédie, de pure drame, de pure thriller donc. La crédibilité est ici le maître-mot. Je veux aussi que les spectateurs passent un bon moment : j’aime aller au théâtre pour vibrer, avoir de vraies émotions, des émotions de la vie, mais en plus grand ! Vous savez on dit que « le théâtre c’est la vie, mais en mieux ». J’aime ce concept de vie augmenté ! Être confronté à des situations fortes avec des personnages forts, c’est ce que j’ai voulu donner au spectateur.
Comment ont travaillé les comédiens ?
J’ai été impressionné par tous, mais particulièrement par Antoine Robert, l’interprète de Staline, qui s’est plongé dans la biographie particulièrement dense du Jeune Staline. Il a réussi à s’approprier ce personnage qui avait énormément de charisme et qui était aussi un voyou, adepte des expropriations révolutionnaires. Vous savez, il a fallu retrouver qui étaient ces personnages, mais en 1913 ! Staline, Trotski, Zweig et Hitler – ce dernier étant le plus jeune, âgé de seulement 24 ans – étaient dans la fleur de l’âge ! Le seul qui a déjà une petite notoriété à l’époque est le plus âgé des cinq : Sigmund Freud, qui a 56 ans.
Combien de temps cela demande-t-il pour sortir une telle pièce, depuis l’écriture, au choix des comédiens, jusqu’à la distribution ?
J’ai écrit cette pièce assez rapidement : en une semaine. Quand on est dans un tel projet, l’important est d’avoir la première impulsion, j’ai donc écrit le premier jet en trois jours sans dormir. Il fallait que ce soit un instant cohérent et donc le sortir d’une traite. Et enfin, quatre jours pour me relire. Ce qui a été le plus long fut le casting, environ deux mois pour trouver les bons comédiens. Le rôle où il y a eu le moins de postulants était celui de Freud, mais Joseph Dekkers m’a tout de suite conquis.
L’avis de la rédac
Une pièce étonnante, immersive et psychologique, qui sait manier l’humour, mais aussi la tension et la complexité de ces cinq figures emblématiques, polémiques, et tragiques du XXe siècle, dans la fleur de l’âge, permettant de comprendre un peu mieux leur genèse. Les comédiens excellent tous dans leur rôle et parviennent à nous mettre en face à face de leurs personnages. Un plus : la salle n’est pas très grande, ce qui rend la pièce encore plus intimiste. Futur prometteur donc pour Les Cinq avant l’Histoire et son jeune auteur Erwan Barillot.
Infos pratiques : - Pièce jouée principalement en août, avec deux représentations en septembre. - Places à -56 %, soit 10,95 € sur billetreduc.com et d'autres sites. - Adresse : Théâtre du Nord-Ouest, 13 rue du Faubourg Montmartre, 75009 Paris.