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Bruno Silva, un destin façonné par les fils

Bruno Silva, de São Gonçalo à Paris, la broderie comme passeport vers le monde

Il parle avec les mains, comme s’il brodait déjà dans l’air. Bruno Silva n’a pas besoin de beaucoup de mots pour faire passer sa passion : ses yeux pétillent dès qu’il évoque une pièce, une technique ou un souvenir. « J’ai commencé enfant », confie-t-il, avec ce sourire qui dit à la fois la fierté et la gratitude.
Aujourd’hui, de Rio à Paris en passant par Milan, son nom circule dans l’univers de la haute couture. Mais derrière le prestige, il reste l’homme qui a su transformer l’aiguille en passeport.

Des débuts inattendus

Né à São Gonçalo, dans la banlieue populaire de Rio, Bruno grandit au sein d’une famille marquée par l’exception. Sa mère, raconte-t-il, fut l’une des premières femmes à donner naissance à des triplés dans les années 1970, avant de mettre au monde Bruno. Son père, chef cuisinier talentueux, travailla dans des restaurants réputés de la ville. « J’ai hérité de lui le goût du détail et du travail bien fait », dit-il.

En 1999, le jeune homme quitte le Brésil pour Buenos Aires. Là-bas, il se fait coiffeur, tente de dompter les cheveux comme il domptera plus tard les fils. Mais l’expérience tourne court. « Le sèche-cheveux n’était pas mon outil », plaisante-t-il. Le déclic survient presque par hasard, en passant devant une boutique de robes de mariées. Il imagine alors des couronnes brodées. La graine est plantée.

L’Europe comme tremplin

Après un retour au Brésil en 2000 et quelques années à chercher sa voie, Bruno s’envole en 2004 pour Milan. L’Europe devient son terrain de jeu et d’apprentissage. Finalement, c’est Paris qui l’adopte. À l’Atelier Sara, il affine son geste, apprend à transformer des heures infinies de travail en pièces uniques.

Sa création phare ? Le Tailleur Dior Noir, hommage direct à Monsieur Dior. Mille heures de broderie, quarante-cinq heures de montage et une audace : réaliser en fil ce que d’autres avaient tenté en cuir ou en crocodile. « Jusqu’ici, personne n’avait osé le faire comme ça », dit-il avec une lueur malicieuse.

Quand la broderie devient tableau

Chez Bruno, chaque robe raconte une histoire. Le Jardin Poétique, par exemple, est né de sa fascination pour les jardins de Monet et pour les silhouettes des années 1950. Fleurs multicolores, matériaux recyclés du Brésil, paillettes signées Moltec : 350 heures de patience pour une pièce qui célèbre à la fois la nature, la mode et la durabilité. Présentée à l’événement Ecos da Brasilidade, exposée ensuite à la Première Vision, elle orne aujourd’hui une vitrine de la mythique maison Fried Frères, temple parisien de la broderie depuis 1886.

Le Brésil toujours au cœur

S’il a trouvé en France une terre d’accueil, Bruno n’oublie jamais ses racines. Lors de l’événement Écos da Brasilidade organisé par Pamela Ferreira, il habille l’actrice Maria Fernanda Cândido d’une robe née d’une collaboration intime avec son alliée de toujours,  Noêmia Lovett. « Noêmia, c’est mon bras droit », insiste-t-il.
Ensemble, ils réinterprètent l’âme du Brésil : fleurs, perles vintage, éclats dorés… un hommage vibrant à la faune et à la flore de son pays natal.

Reconnaissance et transmission

2023 marque un tournant. À Paris, il reçoit le Trophée Révélation, remis lors d’une soirée fastueuse débutant à la Tour Eiffel. Au Brésil, São Gonçalo l’honore comme citoyen d’honneur. Et la presse lui ouvre ses pages : deux mois consécutifs, ses créations habillent les couvertures du magazine Ela Brasil.

Mais ce qui l’émeut le plus, ce ne sont pas les trophées. Son grand projet, confie-t-il, est de transmettre. Dès 2024, il veut retourner à São Gonçalo pour enseigner la technique apprise en France à de jeunes talents des communautés. « Beaucoup ont un potentiel énorme, mais pas les moyens de le réaliser. Je veux leur offrir ça », dit-il, les yeux brillants.

L’aiguille comme destin

Aujourd’hui, Bruno Silva continue de travailler à Paris, toujours épaulé par l’Atelier Sara. Entre défilés, collaborations et projets sociaux, il trace une trajectoire où chaque point de broderie devient un acte de mémoire et de résistance.

De São Gonçalo aux vitrines parisiennes, son fil rouge reste le même : faire de l’art un outil de lien, de beauté et d’émancipation. Car chez lui, l’aiguille ne coud pas seulement des tissus, elle raconte une vie.

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