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Artistes / Culture

Banksy: quand l’art attire la convoitise

crédit image: Jordan Pettitt

Depuis près d’une semaine en Angleterre, le street-artiste Banksy dévoile une nouvelle œuvre chaque jour dans les rues londoniennes. Seulement ce jeudi 8 août, sa dernière réalisation a été dérobée.

Militant pour la paix et artiste plasticien dont la réputation n’est plus à faire, Banksy semble animé en cet été 2024 par un nouveau projet. En effet depuis 5 août, le street-artiste agrémente chaque jour une nouvelle rue de la capitale anglaise par une œuvre à l’empreinte animalière. Mais ce jeudi 8 août, le caractère éphémère de l’art de rue fut devancé, disons précipité, par trois hommes tout de noir vêtus venus voler la dernière œuvre de Banksy seulement une heure après sa réalisation.

Le street-art qui vaut des millions

Record de vente aux enchères : La Fille au ballon autodétruite devient l’œuvre la plus chère de Banksy

crédit: SotheBy’s

Si le street-art a longtemps été une pratique ignorée, méprisée et dévalorisée, elle vaut aujourd’hui très cher sur le marché. D’autant plus lorsqu’il s’agit d’artistes réputés à l’instar de Banksy, dont l’œuvre la plus coûteuse, Love is in the bin, s’est vendue aux enchères en 2021 pour l’équivalent de 21, 8 millions d’euros (soit 18,6 millions de livres sterling). Rien que ça. Alors forcément, le passage des mains d’artistes de Banksy sur un objet fait immédiatement multiplier la valeur de ce dernier. Ainsi quand le plasticien peint un loup sur une parabole au cœur du quartier de Peckham dans le sud de Londres, la pauvre ne fait pas long feu. Selon un témoignage pour la Press Association, un homme aurait assisté à la scène. Trois personnes munies d’une échelle se seraient emparées de l’œuvre, avant de s’enfuir butin en main. Banksy authentifiant ses créations à l’aide de publications officielles sur son compte Instagram, la trace de ses oeuvres est souvent vite retrouvée. On peut alors penser que la notoriété de l’artiste lui dessert, pourtant l’on se trouve bien là dans le jeu du street-art : éphémère, public et vivant.

Théories et paradoxes artistiques

crédit: Benjamin Cremel

La frénésie nouvelle de Banksy a débuté ce lundi 5 août. Une chèvre apparaît sur le conduit d’un mur dans un quartier à l’ouest de Londres. Le lendemain, deux éléphants sortent leur tête de deux fenêtres condamnées dans les beaux quartiers de Chelsea. Mercredi, trois singes se balancent accrochés à un pont dans l’est de Londres. Jeudi, un loup donc apparaît sur une parabole dans la capitale, et vendredi, deux pélicans attrapant du poisson ornent la façade d’un restaurant. De nombreuses théories sont élaborées par le public et la critique. Dénonciation de la montée de l’extrême-droite au Royaume-Uni ? Engagement écologique face à la crise climatique ? Soutien aux Palestiniens, aux réfugiés de guerre ? De multiples interprétations sont possibles, le caractère engagé de Banksy jamais oublié dans celles-ci. Mais l’art populaire de l’artiste est rendu privé quand il se voit mis aux enchères pour plusieurs millions. Le paradoxe de l’œuvre engagée valant une telle somme est alors assez saisissant. Véritable pourfendeur du capitalisme et du consumérisme inhérents à notre société, Banksy en est, malgré lui, un participant. Tentant de fuir cette position en détruisant, entre autres, l’une de ses propres œuvres lors d’une vente aux enchères, l’artiste dont le travail a de la valeur se retrouve finalement victime de son succès. Mais si le street-art possède bien un objectif, c’est de rendre l’art publique. Visible, et surtout manipulable, de tous.

Ainsi lorsque Banksy délivre l’une de ses réalisations à la rue, cette dernière a le pouvoir d’en faire ce qu’elle veut. L’artiste nous offre son art. Voleurs ou simples admirateurs, le destin de ces oeuvres est entre nos mains. La suite n’est plus du ressort de l’artiste, mais bien du nôtre.

Written by Soumeya