Maryam Mahdavi, quand l’art de vivre devient un manifeste visuel
Chez Maryam Mahdavi, il n’y a pas de repas sans mise en scène, pas de table sans scénario. Pour elle, l’art de la table est un acte libre, joyeusement subversif, une performance plutôt qu’une discipline. « Je ne connais pas l’art de la table », dit-elle, provocatrice, « je connais les accidents de table. »
Une table qui explose les codes
Maryam, c’est un esprit théâtral et fantasque, une nomade aristo qui traverse le monde sur des chameaux imaginaires, les sacoches pleines d’argenterie Baccarat, de vaisselle XVIIIe, de verres opalins, de chandeliers, de hiboux en cristal et de couteaux à dénicher sous une avalanche de soie et de bougies allumées.
Son idée ? Créer un chaos contrôlé. Une table vivante. Sensuelle. Une jungle visuelle où le rococo flirte avec le kitsch, l’orfèvrerie avec le low cost, l’opulence avec l’instinct brut.
« Je déteste le mot déco. Moi, j’habille la maison comme on habille une femme : haute couture sur un legging Zara. »
Un pique-nique aristocratique dans la jungle… et dans une chapelle fantasmée
Dans l’une de ses dernières performances pour PariSabor, Maryam Mahdavi imagine une scène folle : un pique-nique dans la jungle brésilienne, version Marie-Antoinette mystique.
« Un truc rock, sexy, déglingué, avec tout ce que j’aime : les codes de l’aristocratie mélangés au sacré et au n’importe quoi. »
Ici, les statues de saints et de Vierges trônent sur la table comme des totems spirituels, veillant sur les convives comme des reliques d’un culte oublié. Le décor est baroque, théâtral, et volontairement contradictoire.
Pas de nappe unique, mais un patchwork textile ; les verres sont dépareillés, les assiettes illustrées de fauves sauvages — lions, panthères, guépards — installées comme des icônes. Des hiboux en laiton montent la garde, posés au centre des plats, entre chandeliers kitsch et objets détournés. Le tout semble tout droit sorti d’un rêve fiévreux ou d’une procession païenne.
« Je crée des scènes vivantes, pas des tables à manger, explique Maryam. C’est un théâtre sacré, une quête visuelle où chaque détail raconte une histoire. »
Les couverts sont parfois à chercher comme dans une chasse au trésor.
« C’est du théâtre, une scène vivante. On vient pas juste pour manger. On cherche, on fouille, on découvre. »
Des codes, oui, mais pour mieux les détourner
Maryam Mahdavi n’improvise pas sans culture. Elle connaît les références sur le bout des doigts : Baccarat, Codimat, XVIIIe, objets liturgiques détournés, tapisseries historiques, archives de Marie-Antoinette… « Pour casser les règles, il faut d’abord les maîtriser », affirme-t-elle. Et chez elle, les ruptures ne sont jamais gratuites. Tout est pensé, tout est lié. Jusqu’à la narration invisible du repas.
« J’imagine chaque table comme un film. Il y a une trame, une lumière, un costume, des décors, un climax. »
C’est ce goût du storytelling visuel qui rend ses mises en scène si puissantes. On ne sait jamais si on est dans un salon ou dans une installation d’art contemporain. Dans un souk ou dans une ambassade. Dans une orgie d’aristocrates en fuite ou dans un rêve éveillé.
Le showroom : un laboratoire de storytelling
Au showroom Le Royale by La Mahadavi, cette énergie prend forme dans des collaborations inattendues : tapis inspirés des fruits oubliés de Versailles, vaisselle refaçonnée avec des artisans, créations autour des épices iraniennes, bois sculptés comme des troncs de forêt enchantée… Tout est prétexte à jouer avec la matière, le sacré, le baroque, le folklore.
Elle travaille le détail comme un scénographe travaille un opéra.
Maryam revendique sa liberté de ton et de style.
« On me copie mal. Si vous voulez me copier, copiez-moi bien ! Prenez la bonne référence, sinon ça n’a aucun sens. »
Et d’ajouter, avec un clin d’œil :
« Moi, je suis la Marie-Antoinette de la Jungle. »
Chez Maryam Mahdavi, l’art de la table n’est ni rigide, ni silencieux. Il est vivant, bruyant, luxueux, instinctif. C’est une fête, un feu d’artifice, un manifeste de liberté. Ce n’est pas de la décoration : c’est de la mise en scène radicale.
Et si l’on devait retenir une règle de ce chaos organisé ? Ce serait celle-ci :
« Ne rangez rien. Vivez avec. Créez une table comme on crée un monde. »
Crédits photos : Phineas PARIS PHOTOGRAPHER
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