Les chantiers navals de La Ciotat, de la mer à la lune est une chronique réelle, véritable miroir des personnes travaillant au chantier naval de La Ciotat. L’auteure est Cécile Poujol, skipper et navigatrice de renom. Le fruit de son travail, en l’occurrence, ce livre, co-écrit avec Maguelonne Turcat, a pour objectif de maintenir la transmission de la mémoire : le témoignage des anciens et ceux qui ont assisté au déclin des chantiers à la suite de la crise liée aux énergies fossiles, mais aussi le renouveau, avec la relève grâce aux jeunes.
Le lecteur découvre petit à petit les portraits des hommes et d’une femme, de ceux qui apportent chacun leur pierre à l’édifice du chantier naval de La Ciotat, internationalement reconnu pour la qualité de la main-d’œuvre. Les nouvelles technologies viennent ainsi compléter les plus vieilles, afin de remettre en état la grandeur des projets anciens. C’est ici l’ambition de Cécile Poujol et de Maguelonne Turcat qui vont réussir toutes les deux à restaurer des mémoires enfouies, tout en connectant chaque rôle de chaque personne travaillant au chantier ou à proximité. Au sein de cette gigantesque ruche marine, tous les hommes et la femme interviewés dans ce livre sont essentielles à son bon fonctionnement. Des profils liés à une époque et une génération, chacun a son propre parcours de vie : certains sont atypiques, d’autres semblent tracés.
A la rencontre des acteurs des chantiers navals de La Ciotat
Au cours de ce projet, Cécile Poujol s’entretient avec une douzaine d’intervenants, qui participent au rayonnement de La Ciotat à leur manière. Parmi les figures que le lecteur découvre au début de l’ouvrage, Gaston Neulet, qui supervise et organise des visites à la Maison de la Construction Navale. Sa connaissance de l’Histoire permet de mieux comprendre le présent, tout en appréhendant l’avenir, encore incertain, bien que prometteur. S’ensuit la présentation de Pierre Lallemand, directeur industriel de iXbLue Shipyards. La société est spécialisée dans la conception de navires de travail ainsi que de sonars et de drones dernier cri.
L’organisation du livre se fait de la sorte : une photo, une image de La Ciotat, un nom et un surnom affectueux. Une manière de familiariser le lecteur avec cet univers particulier, qu’il ne connaît pas forcément. Ainsi, en mettant des visages sur des fonctions aussi précises, les créateurs de ce contenu permettent aux lecteurs de mieux visualiser la réalité du terrain, mais également de comprendre à quel point l’humain est au centre de tout le mécanisme du chantier naval. Sous un angle égalitaire, Cécile présente l’océanographe et scientifique Carole Chaize, afin de mettre en lumière la possibilité d’intégrer ce monde qui reste malgré tout très viriliste.
La Ciotat veut garder son « Authenticité’
Cet aspect humaniste et soucieux d’ouvrir les portes de la navigation et de la construction navale au plus grand nombre, Cécile Poujol le porte à bras le corps, grâce à des actions concrètes. Son engouement pour La Ciotat est tel qu’elle a pu organiser des visites, pour faire découvrir aux jeunes, aux femmes et aux détenus ce que sont vraiment les chantiers navals. Elle espère donner l’envie aux nouvelles générations de se lancer dans l’aventure, ainsi qu’aux personnes sortant de prison de se réinsérer professionnellement dans un secteur en pleine expansion. Que le lecteur soit sensible ou non à cet univers, le livre est tourné de manière à vulgariser les termes techniques et à rendre accessible chaque enjeu lié à La Ciotat. Dans ce domaine quasi tentaculaire, immensément grand, les grands groupes dans les hautes sphères dirigent tout. Mais La Ciotat apparaît à la manière d’un « irréductible gaulois » en pleine lutte pour conserver sa part locale. Les craintes de cette perte d’authenticité est partagée par bon nombre d’individus interviewés par Cécile Poujol dont l’entrepreneur Erik Wirta ou le pêcheur Gérard Carrodano. Des rencontres clairsemées d’humour, d’anecdotes amusantes. Pour l’occasion, le maître du bar de La Ciotat, Hervé Franquet n’hésite pas à se souvenir des meilleures soirées, cherchant à détendre les équipages qui posent un pied à terre. Mais cet ouvrage est le reflet de la vie telle qu’elle est, qui s’accompagne souvent de tragédies bien réelles, dont le sort des migrants en Méditerranée ou les conséquences de la piraterie, dans le quotidien d’un marin. Pour ces derniers points cruciaux, Pascal Pella-Finet, capitaine habitué de La Ciotat témoigne sans filtre.
De la mer à la lune
Entre les personnes nées à La Ciotat et celles qui s’y sont installées par la force du destin, un attrait commun les lie toutes : leur amour du site et ce regard porté vers l’avenir. Tous ne sont pas aussi optimistes, les anciens semblent irrémédiablement marqués par la crise et par ces fameux résistants qui ont protesté pour la fermeture des chantiers à l’époque. La nostalgie est bien présente, mais elle n’empêche pas le chantier de s’épanouir de nouveau. Parmi eux, certains déplorent le désintérêt de la jeunesse française quant au savoir-faire concernant les chantiers. En conséquence, une main-d’œuvre étrangère intervient sur place. Cette situation peut évoluer, grâce à la sensibilisation du public.
Les chantiers navals de La Ciotat, de la mer à la lune renferment les histoires et les âmes des personnes vivant à La Ciotat. Passé présent et futur n’ont jamais été aussi proches les uns des autres. Au fil de la lecture, les illustrations de Lili le Gouvello permettent de s’immerger sous la surface de l’eau, dans la baie de La Ciotat, élue la plus belle du monde en 2019. Comment imaginer qu’une zone industrielle puisse être également un lieu riche en biodiversité, préservé par des accords stricts ? Cécile Poujol se lance ici dans une déclaration d’amour à la Méditerranée et à tous ceux qui participent à la résurrection annoncée au début de ce siècle, pour un chantier « vraiment pas comme les autres ».
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